L'existence d'André a basculé il y a près de quarante ans, depuis il vit dans l'attente, une attente obstinée, une attente encore pleine d'espoir.
C'est un septuagénaire doux et calme qui ne ressent ni haine, ni colère seulement un désir ardent de Justice, pour sa fille, pour cette vérité qu'il doit éclater au grand jour.
Enfin, il aimerait, oui, cet homme épuisé qui se bat depuis si longtemps, c'est un de ses derniers vœux avant que la nuit vienne fermer ses yeux, définitivement.
Si son premier souhait concerne une affaire qui a brisé sa vie, le deuxième veut protéger celle de Marie-Thé, sa compagne dont l'esprit se perd dans l'oubli un peu plus chaque jour.
J'ai rencontré André au détour d'une recherche où il proposait un refuge pour nous, les résistants de 'l'injection". Un endroit hors de France, un lieu où on pourrait entrevoir une nouvelle vie loin de ce désastre qui détruisait tant d'existences.
Je n'ai pas compris tout de suite ce qu'il tentait de m'expliquer, trop accaparé par l'injustice que nous vivions, nous les rebelles, ces parias au sein de cette institution-reine dite de la santé, qui avions dit "NON" à cette "expérience planétaire".
Oui, je n'avais pas été complètement attentive à son récit, enfin pas tout à fait, toutefois au fil des semaines j'ai commencé à saisir toute la portée de l'émouvante histoire qui avait bouleversé sa vie.
André était agriculteur, il aime la terre, il sait qu'il faut en prendre soin, il sait aussi qu'il faut la protéger et pour cela les combats ne cessent jamais.
C'était aussi un syndicaliste engagé, et pour cela, il avait à cœur de participer aux assemblées générales annuelles de sa banque le "Crédit Mutuel Agricole".
C 'est dans les années 80, que tout avait commencé, lors de la présentation des résultats et du bilan, une interrogation s'est faite jour : « un placement d’une somme d’argent très volumineuse, est envoyée dans une société inconnue au USA, d’un montant oublié, de nombreux millions de francs, voir de quelques milliards de francs »
Le directeur départemental, avait tenté de répondre aux interrogations de la salle, en expliquant que la banque avait d’importantes disponibilités à placer, et que cette société financière, en proposait des revenus très attrayants.
Pourtant dans ce même temps, de nombreux jeunes agriculteurs et moins jeunes, qui souhaitaient investir dans leurs conditions et outil de travail, se voyaient leurs demandes d’emprunt refusées. Il y avait incohérence, mais passons, d’après le directeur ce placement aux USA c’était la très bonne affaire.
Puis lors, de l’assemblée générale annuelle de l’année suivante, voir la seconde année, lors de la présentation des résultats et bilan, une interrogation a été soulevée : Pourquoi, il y a une somme aussi importante dans le compte pertes et profits ? Disons plutôt des pertes exceptionnelles très volumineuses.
Évidement, le grand directeur était encore obligé de répondre aux questions, que sont ces pertes considérables. Donc, il nous a expliqué, que la société financière des USA, où avaient été placées ces sommes d’argent très volumineuses, avait fait faillite, et était en dépôt de bilan. Et il a précisé, qu’il s’était informé, et qu’il n’y avait aucun espoir de retrouver l’argent, tous les comptes de cette société sont vides, il n’y a aucun espoir, donc tous les montants de ce placement sont perdus pour toujours et mis au comptes des pertes annuelles.
POINT FINAL, OUI ET NON.
André, depuis lors, n'a cessé de fouiller, d'investiguer sans relâche, parce que cet homme se sent responsable de la confiance que les gens ont pour lui, c'est une question d'honneur.
Il est sérieux et tenace André, mais il avait omis une chose importante : si lui avait une conscience, ces personnes ivres de cupidité et de corruption n'en avaient pas. Et ils seraient prêt à tout pour enfouir ces énormes fraudes que cet agriculteur trop curieux s'acharnait à déterrer !
Il a tout connu André, les diffamations, les menaces, mais il n'a pas voulu lâcher, cet homme humble et intègre.
Jusqu'en avril 1988, où sa vie a basculé. Pour toujours.
Elle s'appelait Sandrine, elle avait 13ans, c'était son unique fille et ils l'ont assassiné.
Depuis André n'est plus tout à fait le même et pourtant, il continue son combat, pour elle que plus personne ne se souvient, pour la Justice qui s'est revêtue de peur et de complicité à laquelle il persiste à croire malgré tout.
Pourtant, il aurait dû comprendre quand lors de l'enquête menée par la Police, un des gendarmes a eu le courage de lui avouer qu'il avait reçu l'ordre de classer l'affaire !
Mais André, lui, n'a pas voulu abdiquer et malgré quatre tentatives d'homicides, il a continué, encore et encore.
Il en découvert des secrets au cœur même des hautes instances, oh oui ! Des surprises dangereuses, néanmoins, il ne veut rien lâcher.
Aujourd'hui, il vit avec la seule qui est restée toutes ces années sombres parsemées de combats obstinés, de déceptions et de chagrin. Un bout de femme qu'il veut protéger au-delà de tout, parce qu'elle aussi bascule dans l'oubli d'une certaine manière : Marie-Thé est atteinte d'Alzheimer.
Et André sait ce que l'oubli des souvenirs peut engendrer dans l'esprit de ceux qui eux, n'oublient pas. Comme la perte d'un enfant aimé et arraché brusquement de son coeur de père.
Alors il continue André, il écrit partout, dénonce, explique, prouve et fournit inlassablement les preuves avec, hélas, si peu de résultats.
Et pour la première fois, il s'impatiente André pour cette justice aveugle et parée d'iniquités, parce que son cœur, lui, ne bat plus aussi bien, et qu'il voudrait être là, où il pourra accompagner son dernier amour jusqu'au bout, sur cette terre particulière : le Portugal.
Alors il demande de l'aide, de l'aide pour les accompagner dans cette dernière demeure, là, où peut-être, enfin, il pourra trouver du repos, et cette paix chérement acquise.